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Union des Ecrivains Vosgiens
9 novembre 2020

ODILE KENNEL : LA TEMPERATURE DES DENREES CONGELEES

Galaxies 67

 

mon texte "La température des denrées congelées" n'a pas été retenu, mais j'ai créé le collage de couvertu

Et pourtant, hein, cette nouvelle n'était pas si nulle... en voici le début, écrit en m'inspirant du style emphatique de Mary Shelley :

 

"La vue, le toucher, l’odorat, tout m’est revenu progressivement, confusément, dans une multiplicité de sensations aussi complexes que déroutantes et inconfortables. Par un hasard ou une chance inexplicables, je ne me souvenais de rien encore. Je n’éprouvais rien. Rien si ce n’est la prescience d’une marque infâme que je devinais indélébile. J’avais voulu mourir, brûler ma pitoyable carcasse, voilà ce dont j’étais sûr. Hélas ! Si tout mon corps me brûlait, je ne pouvais apercevoir la moindre flamme ; des centaines de démons minuscules me dévoraient de l’intérieur. Je ne saurais dire combien de temps je suis resté à me traîner dans cette hideuse géhenne qui ne faisait qu’annoncer des tourments toujours plus épouvantables. Ce que j’endurais n’était rien, cependant, comme je ne l’ai vraiment compris que quand j’ai fini par recouvrer la mémoire. La bestialité de mes crimes, leur sauvagerie cruelle, me furent soudainement révélés ; ils me répugnèrent et me hantèrent d’autant plus atrocement que je les avais oubliés tandis que je gisais, les yeux scellés, aussi insensible et froid qu’un marbre de mausolée.

Le vent soufflera mes cendres dans la mer, c’est ce que je désirais au plus profond de mon âme en embrasant le traîneau, les fourrures, la paillasse sur lesquelles j’avais répandu la graisse de phoque et le naphte couleur de ténèbres. J’ai souffert mille morts jusqu’à ce que les eaux noires du néant m’engloutissent enfin. Et je m’apercevais que la mort n’avait pas voulu de moi ! Le feu de Lucifer ne m’avait pas consumé, le gel qui m’avait broyé le cœur m’avait privé de mes sens, mais pas de ma vie abhorrée ! Bien des années avaient dû s’écouler tandis que je dormais dans mon cercueil hyalin, pétrifié par la glace, car je n’ai rien reconnu du paysage alentour. La banquise avait presque entièrement disparu, ne flottaient çà et là que quelques glaçons à demi fondus. Quoiqu’il m’importât peu de mourir de froid une fois encore, je me dirigeais déjà vers une brisure qui semblait présenter une surface plus apte à recevoir mon cadavre deux fois ressuscité avant même de l’avoir décidé, maudissant l’instinct qui me poussait à vouloir sauver mon abominable peau.

Voici des jours, des semaines que je survis sur mon île vagabonde sans savoir pourquoi. Je n’ai pas de nom, personne ne s’est jamais donné la peine de m’en donner un, on me connaît comme « le monstre », « le démon » ou « la créature ».

Ma gratitude vous est acquise, mais vous ne devriez pas me témoigner tant de bonté.

 

A suivre...

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