13 novembre 2020
MAGUY LOUIS / JOURNAL D' OCTOBRE
JOURNAL
*Nuit du 11 au 12 octobre 2020
Arrivée sur une île. Pas seule.Ai débarqué sur le rivage de l ile Luis avec Maria et ses deux filles Nina et Primavera.Les deux jumelles sont nées à Gênes , au numéro 3 de la ruelle du Molo.Il y a 6 ans de cela.
A nous quatre, nous comptabilisons, (45 × 2) + (6 × 2) = 102 ANS!Nous devrions donc pouvoir compter sur notre expérience de la vie et sur nos intuitions. Faire face à l ennemi qui nous est annoncé ,mal défini, souci infini ) .A nous quatre de même sexe mais d âge différent,il nous faudra sans doute du courage.L amitié et le respect qui nous lient y pourvoient. Le souvenir des bonheurs passés auprès de nos hommes fera le reste.Et notre volonté."Femmes , je vous protégerai! " murmurent l Ocean comme la Terre." Femmes, je vous nourrirai! " ajoutent les arbres .Je m endors .Les deux enfants le sont depuis quelques minutes blotties entre Maria et moi , sous un Cedratier.Sous un ciel constellé d etoiles et où j avais cherché Mars débarrassé de ses attributs guerriers.
*Journée du 22 octobre 2020
Ce paradis de l ile Luis était peuplé d arbres rouges, les oiseaux y chantaient et les patates y étaient douces.Et pourtant , ce jeudi où pointait à l ' Est l etoile du berger, le cœur de Maria avait cessé de battre.Ce coeur fatigué de cette longue traversée et de celles qui l avaient précédée. Lui qui ne rechignait jamais pour bâtir des digues pour retenir l eau, qui savait déplacer des montagnes pour protéger l essentiel. Maria aux seins gonflés de lait pour être nourrice, aux seins ronds à offrir aux bouches avides et implorantes des hommes.Maria est morte.Ses filles dorment encore entre la chaleur des deux mères que nous sommes.Je ne les réveille pas, pas encore, pas tout de suite.Les feuilles du Cedratier s envolent vers l Ocean, pres de Maria un Figuier profite de la terre qui se réveille comme chaque jour .Entre les mains de mon amie, je glisse une figue , une figue originaire de Sollies Pont .Et j en cueille pour ses fillettes .Mes mains tremblent, elles s en échappent. Un singe veut s en saisir , les femelles le chassent. L île est en émoi.
* Jeudi 29 octobre
17 e jour sur l ÎLE. Une semaine s est écoulée depuis que le cœur de Maria a cessé de battre.Je suis encore sous le choc de la disparition brutale de Maria.Mais volonté de me tenir droite .Me baisser seulement pour prendre contre moi Nina et Primavera.Les rassurer en chantant avec elle " Farfallina bella bianca, vola , vola , mai si stanca! " Chanter beaucoup, pleurer aussi.Quand je regarde au-dedans de ces deux enfants, je ne vois que du beau.
Aujourdhui , commence une vie nouvelle loin de Gênes. Genova , capitale de la Ligurie.Genova où Maria et moi avons épousé Giovanni et Carlo.Ce matin d d'août il y a un siècle...derrière la façade romane de San Lorenzo , les fresques racontaient le passé et faisaient rêver à l avenir ...
Un nouveau jour commence et il nous appartient de le faire vivre.
Maria , enveloppée dans un drap blanc brodé par une aïeule, repose sur le plus haut monticule de l'île. Un merle bleu, deux mésanges et trois chardonnerets chantent.Magie de leur chant.Les jumelles l attendent chaque soir .Elles sourient puis s'endorment après qu elles aient vu les guenons chasser un gros mâle s approchant trop des petits.Moi aussi, je me prends à rire et à croire en des lendemains qui chantent.
Il me faut aller le pessimisme que me dicte mon intelligence à l optimisme de la volonté.
* Jeudi29 octobre 2020
Nina et Primavera, orphelines de mon amie Maria vont bien .
Et c est la veille d un anniversaire , le mien.Debarquees sur cette île par la volonté de deux adultes et par la nécessité du moment, elle n avaient pas eu leur mot à dire. Comme tous les enfants du monde, elles furent soumises à notre " bon vouloir "d adulte.Je crois que Maria et moi avons eu raison de les éloigner de la maladie et aussi de les tenir à l ecart des mots des radios , des télés, des réseaux et des journaux racoleurs.Celui qui sème le vent , n apporte que la tempête. Maria me donnerait raison de continuer à apprendre à ses filles la Terre comme la Mer.Et aussi de continuer à chanter en chœur, Farfalina et Bello Ciao.
Et de me prendre pour un Ténor, de savoir être Ventriloque pour chuchoter les pensées de Spinoza, pour murmurer celles de Marc Aurele,retrouver un vers de Confucius et faire taire les hurlements de Donald.
Et surtout surtout évoquer avec ces deux enfants leur père et leur mère tant qu elles le souhaiteront. Et avec elles, bâtir un monde nouveau.
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