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Union des Ecrivains Vosgiens
13 juillet 2021

" En pèlerinage à la Chapelote " Vie d'autrefois par Marie Houillon

L'Association "Ralentir pour Vivre" 88240 Les Voivres

en collaboration avec le Blog Les Voivres 88240

vous présente ce mardi

" En pèlerinage à  la Chapelote  "

 

Marie Houillon 

En vous souhaitant bonne lecture

À vendredi 

Marie Houillon 2

 

La chapelote ! Les habitants des Voivres, et plus particulièrement ceux de la Grande Fosse y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux, à cette petite chapelle construite chez eux, vers 1860, par le bon abbé Daubié, sur un terrain lui appartenant. Elle est dédiée à Notre Dame de Bonne Espérance et chaque année, l'après-midi de l'Ascension, on y allait en pèlerinage, chanter les Vêpres, jusqu'en 1 967 environ. Pour rien au monde les gens du village n'auraient manqué ce rassemblement, qui voyait affluer également les gens de la Forge de Thunimont, de Gremifontaine, très proches de la petite colline où se situe la chapelote, nichée au milieu des arbres. Quand on avait de la parenté à la Grande Fosse, souvent on y était invité à diner, ce jour-là. Bien rares étaient les familles du hameau qui ne recevaient pas à cette occasion.
Personnellement, ayant la chance d'avoir mon parrain sur place, j'ai passé davantage de fêtes de l'Ascension chez lui qu'à la maison, pendant ma prime jeunesse !

Mon parrain, Alphonse, était un homme très discret, grand travailleur, qui ne se sentait vraiment à l'aise qu'en salopette. Pour l'amener à s'habiller, à sortir de chez lui, son épouse, Marguerite, déployait des trésors de persuasion, quelquefois en pure perte ! Ce jour d'Ascension-là, pendant les années 40, à la fin du repas de famille, Marguerite entreprend son mari :

" Allons le père ! Pour une fois qu'on a une cérémonie à la chapelote, tu viens avec nous. Enlève ton bleu de travail, enfile ton costume. On t'attend ! Allez, ouste ! "

Sans grand enthousiasme, Alphonse obtempère, harcelé par son épouse bien décidée à obtenir satisfaction.
Et toute la famille monte à la chapelote, Alphonse devant, les gosses autour de lui, les mamans derrière, bavardant allègrement. La cloche sonnait, carillonnait pour appeler les pèlerins. On distinguait le joli porche ouvragé, grand ouvert, quand, brusquement, Marguerite pousse un cri terrible, où se mêlent détresse, fureur et découragement !

"Mon Dieu ! Q'uest-ce que vous avez Marguerite ? "

lui demande maman tout ébahie.

" Mais regardez-le ! Regardez-le ! " suffoque Marguerite en désignant son mari d'un doigt vengeur.

A vrai dire, il fallait bien le regarder pour constater que parrain Alphonse avait tout simplement enfilé son costume sur son bleu de travail, lequel dépassait de quelques centimètres le pantalon habillé ! Son horreur des vêtements de cérémonie était telle qu'il n’avait pu se résoudre à quitter sa chère salopette !

Partagée entre l'indignation et le fou-rire, Marguerite fulminait :

" Ah ! c'est du propre ! Ah ! te voilà beau ! Tout le monde va te regarder ! Tu me fais honte ! "

Ce fut effectivement ce qui arriva ! Tout au moins, personne ne fit aucune réflexion à ce sujet et Alphonse accomplit son pèlerinage imperturbablement, bien qu'un peu gêné aux entournures, quand même !

 Fût-ce jour-là ou l'année suivante que les vêpres furent perturbées ? Peu importe, mais toujours est-il qu'on en parle encore dans les hameaux. En effet, la petite chapelle ne pouvait abriter que peu de monde à l'intérieur, sur quelques bancs rudimentaires placées contre les murs. Le plus gros de l’assistance se massait dehors, sur les escaliers et dans la cour. Ce jour-là plusieurs dames, disons assez fortes, avaient pris place sur un des bancs. Les Vêpres se déroulaient dans le rite habituel, l’assistance chantant vigoureusement les psaumes en alternance avec Monsieur le Curé, quand tout à coup un craquement sinistre résonna dans la chapelle : le banc, sur lequel les dames rondelettes avaient pris place, venait de s'effondrer sous leur poids ! Il y avait eu plus de peur que de mal, heureusement, et le pèlerinage continua comme si de rien n'était. Mais Monsieur le Curé fit vérifier les bancs, afin qu'une pareille mésaventure ne se renouvelle pas !

Merveilleuse chapelote ! Elle faillit bien mourir, un soir d'été 1990, où un gros orage sévissait sur la Grande Fosse. Une tornade cassa un grand arbre voisin, qui s'écrasa sur le toit de la chapelle, causant d'énormes dégâts. La paroisse, ne pouvant assurer les réparations, céda le bâtiment à la commune. Grâce à des bénévoles très motivés et compétents, la charpente renaît, plus belle encore. Elle continuera à enjoliver notre village et à être son ange gardien très aimé.

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