Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Union des Ecrivains Vosgiens
26 mars 2021

Trois « femmes libérées » Les Voivres La vie d'autrefois par Marie Houillon

Marie Houillon 2

L'Association "Ralentir pour Vivre" 88240 Les Voivres

en collaboration avec le Blog Les Voivres 88240

vous présente ce vendredi 

Trois « femmes libérées »  Marie Houillon 

En vous souhaitant bonne lecture

à vendredi prochain...

Elles étaient trois, ce dimanche là de mars 1947, toutes fières de leurs nouvelles prérogatives. Pensez donc, le Général de Gaulle avait obtenu le droit de vote pour les femmes, et, ce jour là, Juliette et les deux Jeanne allaient l’exercer pour la première fois pour élire le conseil municipal des Voivres. C’était, une date historique pour nos trois dames et, elles comptaient bien la marquer d’une pierre blanche.

Les voilà donc parties, une fois la vaisselle de midi expédiée, marchant d’un bon pas sur le chemin de la Grande Fosse.

Arrivées à la mairie (où siégeait, parmi les assesseurs le mari d’une des deux Jeanne) c’est le cœur battant qu’elles mettent leurs bulletin dans l'enveloppe et l’enveloppe dans l’urne.

Et les voilà sorties, leur devoir de citoyennes accompli. C’est alors que Juliette, femme de tête s’il fut, prit la direction des opérations :

« - Dites-donc, les Jeanne, quand les homme vont voter, ils vont célébrer ça chez Marie Didier (le café-tabac des Voivres). Pourquoi qu’on en ferait pas autant, nous autres ? On a des droits ou on n’en a pas, hein ? « 

Comme un seul homme, nos trois suffragettes entrent «  chez Marie Didier » et s’installent à une table. Elles y font sensation, bien sûr : trois femmes seules ! Mais on les sert évidemment, et on vient bavarder avec elles, et cela dure, cela dure ! Jusqu’au moment où l’une des deux Jeanne s’écrie

« -Mon Dieu ! Mon travail n’est pas fait et les bêtes à débarrasser ! Et Élie qui sera rentré avant moi, tout à l’heure ! Sauvons nous vite ! « 

Au pas de chasseur, on reprend le chemin de la Grande Fosse (par le cimetière, c’est plus court.)

Mais voilà qu’arrivées au milieu du hameau, elles rencontrent l’Alvina Rebout. La brave Alvina (qui n’avait jamais cassé trois pattes à un canard) avait elle aussi, été voter, mais elle ne s’était pas amusée, elle ! Aussi ne manqua-t-elle pas de faire la remarque aux trois femmes, en patois, bien sûr :

« -Mâ ! Co à oures ci qu’vos rotrez ?

(Mais c’est à cette heure que vous rentrez ?

-Bien sûr, répond, sans se démonter une des deux Jeanne. Il fallait bien dépenser les sous qu’on nous a donnés à la Mairie, quand on a été voter. « 

-Dâ sous ? Eh vos ont beyé das sous ? Mâ, j’en ont point eu, mi ! Eh bié qu’eh vos ont beyé ,

( Des sous ? Ils vous ont donné des sous ? Mais je n’en ai pas eu, moi. Et combien qu’ils vous ont donné ? « 

Il faut dire que la brave Alvina était aussi prêt de ses sous que peu futée !

« -Oh dit Juliette, imperturbable, ils nous ont donné 100 francs à chacune. Si vous n’avez rien reçu, c’est qu’ils ont oublié, sûrement.

-Ah mâ ? Co qu’ait faut tirer l’éveuille, pour 100 F ! Je m’on y revais !

(Ah mais c’est qu’il faut tirer l’aiguille pour 100 F ! J’y retourne ! »

On brodait à l’aiguille, tout l’hiver, chez nous, à cette époque et 100 F c’était long à gagner, sûr ! Même en anciens francs.

Voilà donc Alvina partie en coup de vent à la mairie chercher ses 100 F. Ah mais !

Mais, si Alvina était facile à berner, elle avait malgré tout un fond de gros bon sens paysan. Sur sa route se trouvait la ferme Enriquet . Elle y entra pour demander confirmation, deux sûretés valent mieux qu’une, pas vrai. Et, charitablement Alphonse et Marguerite la détrompèrent, tout doucement. Elle n’était pas ravie, notre Alvina ! On la comprend ! Mais les trois coquines étaient loin ! Alors il ne lui restait plus qu’à jurer, comme dans la fable qu’on ne l’y reprendrait plus … jusqu’à la prochaine fois !!

 

(Histoire racontée par Mme Jeanne Munier l’une des deux Jeanne ! 89 ans)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Bonjour, cette date historique est une date qui peut ne pas être exacte, car en effet cela a pu vraisemblablement être confondu dans les mémoires . Ce qui a de l'importance c'est l'anecdote de ces femmes qui vont voter et qui se permettent d'aller au bistrot comme les hommes. En ce sens le récit de Marie Houillon nous retrace l'effet dans les esprits des femmes et le changement opéré. Bien à vous Association "Ralentir Pour Vivre"
Répondre
J
« date historique » : est-on sûr qu'elle soit la bonne ? A part mon baptême le 2 mars 1947 (c'est certain... j'y étais ☺) je ne vois pas de Municipales cette année-là. Marie, une bonne référence s'il en est, note, dans un autre ouvrage, qu’Émile Alexandre (maire de 1945 à 1953) a succédé à Henri Morel (maire de 1929 à 1945).
Répondre
Union des Ecrivains Vosgiens
Publicité
Archives
Publicité