LA NUIT REVEE DE ERNEST PIGNON -ERNEST
2020 |La Nuit rêvée d’Ernest Pignon-Ernest - Entretien 1/3. Au programme des archives : Naples par Erri de Luca, le musicien Louis Sclavis, une balade sur les toits de Notre-Dame la nuit, ou encore à bicyclette avec Philippe Bordas, et ses compagnons de route Christian Bobin, Yves Simon et Jean Ferrat.
Rimbaud, Pasolini, les fusillés de La Commune et des cohortes d'autres… Corps, visages et regards, célèbres ou anonymes… images en noir et blanc… œuvre éphémère dessinée sur un papier fragile... On ne présente plus Ernest Pignon-Ernest, l'artiste qui colle ses affiches de par le monde depuis le début des années 1970. Ses installations d’images vouées à disparaître, ses collages, se font l'écho d’événements liés aux lieux investis. Il considère que son œuvre se visite dans la rue, et non pas au musée.
Ernest Pignon-Ernest a choisi de mettre au programme des archives la ville de Naples par Erri de Luca, le musicien Louis Sclavis, une balade sur les toits de Notre-Dame la nuit avec Sylvain Tesson, ou encore à bicyclette avec Philippe Bordas. Nous entendrons également ses compagnons de route Christian Bobin, Yves Simon et Jean Ferrat.
Dans ce premier entretien Ernest Pignon-Ernest, revient sur un moment charnière de sa vie d’artiste alors qu’il s’était installé dans un petit village du Vaucluse, pour peindre :
En 1966 au plateau d’Albion, s’est concrétisée mon impossibilité à peindre. (...) J’apprends qu’à quelques kilomètres de là s’implante la force de frappe atomique, c’est-à-dire mille fois Hiroshima enkysté sous les champs de lavande. Je fais ce constat qu’il m’était impossible de figurer sur une toile cette violence faite à la terre. La peinture ne pouvait pas résoudre ce problème. J’ai compris que c’était les lieux mêmes qui avaient été kidnappés, détournés, violés. C’était sur les lieux mêmes qu’il fallait que je travaille, ne plus les représenter mais les saisir dans leur complexité, dans leur signification, dans leur richesse plastique.
Sur la particularité de son travail dans la rue, son besoin de liberté absolue :
Je n’ai jamais demandé d’autorisation. Pour les églises de Naples si on le demande on vous le refuse, par contre aucune de mes images n’ont été enlevées.
Ernest Pignon-Ernest évoque sa rencontre avec Yves Simon, lors de ses premiers collages à Paris, pour le centième anniversaire de la Commune, et la naissance de leur amitié :
Yves Simon est un chanteur qui exprimait notre temps, ma génération. Il a su faire rentrer dans ses textes des signes et des images de notre modernité.
Il avoue avoir été consterné par la demande de faire entrer Rimbaud et Verlaine au Panthéon, "j’ai cru que c’était un truc de potaches" :
J’ai fait une image de Rimbaud sur du papier journal en sérigraphie, c'est-à-dire quelque chose de modeste, de pauvre, que j’ai collé de façon anonyme sur la route de Charleville à Paris. Ma proposition allait disparaître, Rimbaud je ne le figeais pas. (...) Rimbaud je l’ai collé de Charleville au Boulevard Saint-Michel, mais il ne marchait pas vers le Panthéon.
A propos de son ami Jean Ferrat :
Jean Ferrat était un homme de conviction, mais il a toujours privilégié l’imaginaire, la poésie, la sensualité. Vous savez il a été censuré pour ses chansons politiques mais moi je suis persuadé qu’il a été censuré pour ses chansons érotiques...
Sur la question du politique de son travail :
Je n’ai jamais illustré le politique, mes images parlent de l'apartheid, de l'avortement, de l'immigration, mais ce ne sont pas des mots d’ordre. Au fond mon travail parle tout le temps de ce que l’on inflige aux hommes. Ce n’est pas l’illustration d’un discours politique, le mot 'engagé' traîne trop de casseroles avec les soviétiques... mais évidemment je ne cache pas que j’ai des convictions.
- Par Albane Penaranda
- Réalisation : Virginie Mourthé
- Avec la collaboration de Hassane M'Béchour
- Indexation web : Sandrine England pour la Documentation Sonore de Radio France
- La Nuit rêvée d’Ernest Pignon-Ernest - Entretien 1/3 (1ère diffusion : 29/11/2020)