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Union des Ecrivains Vosgiens
30 octobre 2020

PROCHAINE SELENITE 31 OCTOBRE : EN VIRTUEL ?

 

 

bleu citrouille

Sorcières Sélénites : La lune sera bleue comme une citrouille ou ne sera pas

 

A une lune bleue moins le quartier, les interdictions pleuvaient à coups de semonce de part et d’autre du pays amorçant pleinement sa deuxième vague de coronavirus. Les Vosges étaient encerclées par des couvre-feu dans tous ses départements limitrophes. Les anti-masques et les pro-masques se regardaient en chiens de faïence, parmi eux nombre d’anti-masques étaient masqués. La treizième lune de l’année annonçait l’Halloween le plus étrange et le plus envoûtant de toutes les fêtes de Samain, le dieu celte des morts, invoqué dans cette fête religieuse inaugurale de l’année celtique protohistorique. An premier de l’ère covidienne, la deuxième lune d’octobre au nouvel an magique serait bleue citrouille ou ne serait pas.

 

A deux cents mètres à vol d’oiseau du salon de Cunégonde, dans le petit village aux cent vingt âmes jeûnecurtiennes, son poète Charles-Henry Dubuisson reconduisit de nouveau l’invitation sorcière. Dans un texto hâtif à son hôte fantôme, il se déclarait submergé par une activité littéraire chronique, intense, lui interdisant le moindre répit. Allait-il encore envoyer les sept cents pages de son manuscrit chez Gallimard, au risque de se voir essuyer un quatrième refus? Se remémorant leur conversation dans la ruelle des Loups, Cunégonde songea qu’il s’affairait peut-être à la distillation de l’œuvre incomprise dans un alambic à Lettres, au fond d’une secrète alcôve, pour en extraire le meilleur des élixirs.

 

A trente-cinq kilomètres à l’est-nord-est, siégeait circonspecte la grande chamane locale. Férue de druidisme, experte en mythologie scandinave et dans l’art de guérir ses pairs, elle ne décolérait point. Un dosage erroné de champignons des forêts dans sa dernière décoction équinoxiale, pourtant réduite au chaudron selon le code orthodoxe de son grimoire à tisanes, en rajoutait à son taux moyen de tétrahydrocannabinol sanguin, faussant à son insu ses accords avec l’invisible. Bien involontairement, elle avait ouvert la porte aux entités du bas astral dont elle ne pouvait se dépêtrer. Elle vomissait son fiel autrement frelaté par la pratique inconsidérée d’amaroli, qui dans une deuxième cuite en rajoutait à sa quête d’exotisme cultuel : l’ingestion de son urine à l’éthanol n’était pourtant pas recommandée en ces termes par les antiques sagesses indiennes. Dardant son venin sur son mur cathartique d’une écriture acerbe et vindicative, fort imagée, elle récoltait les j’aime et les j’adore par dizaines avec délectation.

 

L’air du temps n’était pas très doux. Elle avait mis en garde ce troll de Cunégonde, qui osait marcher sur ses plate-bandes ésotériques au mépris des règles essentielles régissant le culte dont elle se faisait la prêtresse en louve intemporelle, depuis qu’elle avait reçu l’initiation sélène dans une transmission captée en rêve. «Pour les pleines lunes, on est plus sur une base de "spiritualité". Même si c'est inconscient, les gens savent que c'est des moments sacrés où l'on doit être dans une certaine mesure, plutôt d'intériorité.» Les rires  émoticoniques de la Cunégonde, de douze ans son aînée, lui restèrent en travers du croupion. « Tâche d’en faire bon usage au lieu de ricaner comme une vieille fouine» gronda-t-elle, enfourchant derechef son balai pour retourner à ses affaires d’écrivaine inspirée. Dans un texte scélérat non dénué d’une certaine vertu, elle pissait allégrement sur un pied de troène en son sacro-saint carré de Nature, fustigeant d’un même jet les actes de résistance sociale de l’ère covidienne en ses prémices, ses chants du cygne culturels et ses bien-pensants convives, autant que tous les lieux sacrés de la sainte Église catholique apostolique et romaine et de toutes les religions confondues sur la terre.

 

Justement, les Sélénites étaient dans le collimateur de Vatican 2. Une surveillance discrète s’opérait sur internet, par l’intermédiaire de ses sbires, qui par ailleurs priaient ardemment à l’indéfectible rétablissement de Cunégonde : revenue vieille fille d’une contrée lointaine avec un mal incurable de l’esprit, la quinquagénaire n’était toujours pas mariée. Dans le troisième millénaire où l’humanité entière était appelée à la sainteté, cette miraculée potentielle ne pourrait guère échapper au blanchiment de ses frasques. Jour après jour un nouvel hymen opérait en elle par l’intercession de l’Esprit saint, grand vainqueur des sept démons qui l’avaient accaparé dans ses tribulations erratiques. Gaudete et Exultate : la pénitente qui n’avait plus personne à se mettre sous la dent depuis des lustres allait-elle réduire en cendres ses sulfureux poèmes érotiques et convertir ses Sélénites multi-culturels aux joies de la messe dominicale ?  Gants de vaisselle, masques et loups pour conjurer le sort !

 

Hildegarde la Gaude et Amous

 

Retrouvez Les Sélénites en page Lorraine dans l’hebdo l’Écho des Vosges

 

 

 

 

 

 

 

 

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