Personne ne se souvient du premier cri d'Arthur Rimbaud. Le père, Frédéric est capitaine d'infanterie. Il est né sous Napoléon Ier, et s'est engagé sous Napoléon III. La mère s'appelle Catherine Vitalie Cuif. Le père, c'est l'absence, la guerre... Un homme, quoi ! La mère, c'est la sévérité, la loi, le giron.

Le Musée Arthur Rimbaud à Charleville MezieresLe Musée Arthur Rimbaud à Charleville Mezieres © AFP / Gerault Gregory / Hemis

Si elle n'avait pas été la mère de Rimbaud, elle aurait été une paysanne chez Maupassant délocalisée à "Charlestown", c'est ainsi qu'Arthur Rimbaud appelle Charleville-Mézières.

Il y a de l'amour, peut être, mais il y en a peu de trace dans les écrits de Rimbaud. Dans un poème intitulé Mémoires, il ne se souviendra que du sel des larmes d'enfance : 

L’eau claire ; comme le sel des larmes d’enfance,                            
l’assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes ;

Les parents se séparent quand Rimbaud a 4 ans

Le père rejoint son corps, comme disent les chamanes et les militaires. Rideau, papa Rimbaud. On ne verra plus le capitaine. Des générations de commentateurs psychanalysants pourront voir dans les amitiés viriles d'Arthur la recherche du père. La mère excite l'aversion des rimbaudphiles. On la juge avare, hermétique à la poésie, brutale, en somme, pas prête aux Illuminations. Mais que sait-on vraiment des pensées d'une mère le soir, à la chandelle, quand son fils est en train de s'autodétruire ?

Henri Guillemin, historien : 

Rimbaud parle très mal de sa mère, mais en réalité, devant sa mère, il est beaucoup plus gentil que ça

La preuve, sa première fugue quand il s'est sauvé de Charleville-Mézières pour venir acclamer la République à Paris, il avait voyagé partiellement, sans billet. Dès qu'il arrive à la gare de Paris, on le met en prison, parce qu'il n'a pas payé son billet. Qu'est-ce qu'il fait en prison ? Il est écrit à l'un de ses professeurs : 

Je vous en supplie, allez trouver ma pauvre mère, pour la consoler.

Donc, il y a une tendresse profonde, cachée chez lui à l'égard de cette mère qu'il fait semblant de maudire. 

Moi, je l'aime bien, celle qu'Arthur appelait la "daromphe". Elle surplombait la petite ferme. Elle "royaumait" sa terre. Elle retenait son fils dans le provincialisme de l'Ardenne. Elle voyait d'un œil suspicieux le fils prodige, à défaut de prodigue, élaborer une langue inconnue, fréquenter des faunes, boire de la verte et s'engager à bord de bateaux fous.

Parfois on rate sa mère, on la craint, elle est loin mais elle est là. C’est peut-être ça la définition d’une mère : la mère est votre centre, même quand on vit au bord.