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Union des Ecrivains Vosgiens
29 avril 2020

ODILE KENNEL : DEBUT D'EXPLICATION D'UNE PANTHECAIRE...

Odile Kennel

 

 

 

Sur le ruban de bitume plein de méandres, ils se pavanent, les inconscients ! Ils s’imaginent aller quelque part et croient qu’on les admire pour ça. Naguère encore, c’est à qui irait le plus vite, roulerait à tombeau ouvert ou courrait à perdre haleine. Surtout, performer, ne jamais cesser d’avancer, ne pas regarder quelque part, sauf droit devant.

 

Ni pas de côté, ni contemplation, ni dialogue.

 

Pas même avec les dieux qu’ils disent adorer. Les ciels peuvent bien noircir, rougir, perdre tous les oiseaux, menacer de leur tomber sur la tête ; les eaux s’épaissir de plastique, les terres se dénuder et retourner en poussière, ils s’en moquent éperdument.

 

Ils couraient ? Ils marchent maintenant, ils se montrent ils défilent, l’un après l’autre, ils s’allurent, ils se posent, en suites de photos glacées, bougeant au ralenti. C’est que le moindre geste est calculé.

 

L’idée que tout pourrait s’effondrer s’effacer d’un seul coup, tranché net par des ciseaux invisibles, ne les effleure pas.

 

La chute, c’est toujours pour les autres.

Odile Kennel · 

 début d'explication (la narratrice est panthécaire, elle enregistre et garde tout) : "De temps à autre, je relis d’anciennes notes. Des textes de jeunesse, des documents papier prétendument sauvegardés sous forme virtuelle ou jugés indignes de l’être. Les uns comme les autres donc devenus inutiles et obsolètes, que j’ai sauvés de l’effacement. Il peut s’agir encore des travaux d’une seconde main trop modeste ou d’un auteur hors sérail, dont les recherches sont considérées comme accessoires. Suivant mon habitude, je ne les ai pas retranscrits dans la forme recommandée, en respectant les normes recevables par les autorités culturelles homologuées. (J’ai bien sûr fini par me plier aux usages universitaires en cas d’impérieuse nécessité, ce n’est pas si compliqué, mais je trouve que la rigidité et l’univocité des formats stérilisent le contenu du message, la plupart du temps).

Pourtant, non seulement je n’ai jamais pu me résoudre à détruire mes proses de l’intérieur du chien, mais je persiste à en commettre plus souvent qu’à mon tour : elles ne risquent pas l’autodafé silencieux des « simplificateurs » techniques, qu’ils soient artificiels ou humains, ni l’invisible érosion – paraît-il totalement impossible – des supports informatiques. Voire de simplement se noyer dans une masse indifférenciée de données.

Je les ai retranscrites à la main, ou saisies et imprimées. Pour les classer un peu plus tard : je les ai regroupées, non selon le lieu qu’elles décrivent, ni l’époque historique où elles furent consignées, ni même leur auteur – connu ou témoin obscur –, leur école ou le courant auxquelles elles correspondent, mais de manière analogique et intuitive, généralement deux par deux. Je ne sais pas pourquoi celles-ci me reviennent ici et maintenant, alors que je n’en ai plus écrit depuis que je me suis attelé au présent projet."

 

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