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Union des Ecrivains Vosgiens
10 avril 2020

ODILE KENNEL : "JE SUIS LA LUNE CORNUE QUI AIGUISE LA NUIT DE L'ANTRE...."

Le contenu pourrait avoir certaines similitudes avec le situation actuelle...

La photo de Odile la plus aimée sur Facebook en 2014

critique parue dans Galaxies 28

Le Seigneur de l’Annuaire/Léo Kennel
Éditions Les Trophées, 2013,
200 pages, 18 €

Le livre de Léo Kennel est un objet difficilement classable. On serait tenté de le qualifier de « dictionnaire imaginaire », mais cela serait sans doute trop réducteur, et le fait que l’auteur ait préféré « Annuaire » n’est pas aussi innocent qu’il pourrait le paraître. Il y a dans Annuaire cette notion de portes ouvertes vers la communication, vers la construction de discours encore informulés, qu’on ne rencontre pas avec un dictionnaire, qui fixe le sens, solidifie la pensée. Or donc, tel n’est pas le projet de Léo Kennel, qui annonce en quatrième de couverture : « Lecteur, prends le temps de songer au temps et celui de te laisser convaincre. »
L’ouvrage se présente comme un de ces magasins généraux comme on en trouvait encore dans les campagnes il y a un demi-siècle : on y trouve de tout, depuis le caramel à un sou enveloppé dans son papier huilé jusqu’au soc de charrue luisant neuf, et tranchant, en passant par les dentelles en festons et les clous au kilo. Ici, ce sont des formules lapidaires, de vraies nouvelles en plusieurs pages, de fausses citations, des définitions de mots inventés, des réflexions, des aventures. Le tout classé dans l’ordre alphabétique et aléatoire cependant, ce qui permet de se lancer au petit bonheur (et beaucoup de ces perles sont de vrais petits bonheurs) et, selon le temps dont on dispose, ou l’envie (ou quelque diable nous poussant), on en gobe quelques unes, on en suçote quelque, on s’engourmandise de verbe.
Une bien jolie chose, donc, que cet annuaire pour le rêve, dont on peut simplement regretter qu’on ne le trouve guère facilement, l’éditeur ayant omis d’y indiquer son adresse, ce que nous réparons ici : www.edtions-trophees.fr
Leila Zamar

 

 

Je bercerai ce monstre qui est mien. Puisque c’est mon fils. Qu’importent les visages. Je l’ai trouvé au fond du labyrinthe, je l’ai reconnu au cœur du puits des vérités. Il m’attendait depuis tout ce temps, au mépris de la faim qui lui dévorait les entrailles. Toujours vivant. Toujours incunable. Il dort en vacarme de questions, ses rêves mordant l’espace alentour, tandis que j’entends tout ce qu’il tait. Pas encore de reproches, pas vraiment, mais je sais qu’ils viendront, qu’ils sont déjà venus, qu’ils sont là. Je ne peux cependant décemment pas faire la sourde oreille, l’abandonner, moi aussi, même si d’autres l’ont laissé à la merci d’horreurs sans nom avant moi, et sans le moindre scrupule. Ils me taxeront d’inconscience, puisque c’est tout ce qu’ils savent faire.
Je suis la lune cornue qui aiguise la nuit de l’antre dont tous fuient l’obscurité, en cyclopes éborgnés qu’ils sont. Ils maudissent l’étroitesse des murs, des portes et des fenêtres, leur voix sans issue.
Plafond bas, Messieurs !
Ils disent que je ne me ressemble pas.

A SUIVRE

 

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