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Union des Ecrivains Vosgiens
29 décembre 2020

DANIEL BAZIN / Fêtons Noël !

Ce texte  de Daniel Bazin, qui fut prix de l'humour de l'almanach Joson, reste d'actualité puisque nous sommes toujours dans le temps des 12 jours de Noël : le Jour de l'an et les Rois sont nommés 2 è et 3 è Noël
 
Fêtons Noël !

 

 

Les Rois

Encore une fois le vieil adage « froid en novembre Noël en décembre » manifeste sa sagesse ancestrale, quoiqu’on ait pu dire sur le réchauffement climatique. Préparons-nous avec détermination à célébrer cet événement : Il est né le divin enfant chantons tous son avènement (bis), malgré les réticences de plus en plus évidentes de la Sainte Église Catholique Apostolique et Romaine[1] sous       la pression de la vérité historique. Il faut reconnaître que la majorité des gens pensent que c’est  plutôt le Père Noël  qui est né à cette date. Attention, que nul ne m’accuse d’hérésie ou d’anticléricalisme anticatholique anti-apostolique, je crois que je suis croyant. Encore que je ne soutiens pas trop fermement une Église qui s’avoue ouvertement romaine donc étrangère (ne me parlez pas d’Europe) mais sans excès : même la salade peut être romaine, tout le monde peut être romaine après tout. Toujours est-il que Noël est bien une fête religieuse : on s’y offre des trucs le plus cher possible  (on appelle ça des cadeaux et c’est toujours pluriel personne jamais n’offre un cadal) et on a bien vu que tous les commerçants ont beaucoup prié pour avoir le droit de vendre n’importe quoi n’importe où n’importe quand à n’importe qui au nom de leur chiffre d’affaire sacré. Jamais je ne leur jetterai la pierre pour ça, mon père était commerçant[2] et j’en garde un respect admiratif à tous les vendeurs, mon chiffre d’affaire à moi est carrément ridicule. Attention le profit n’est pas ma religion dominante mais je respecte l’argent : je ne le fais jamais travailler, je le garde au chaud et ne le prête qu’à des personnes qui en prendront un soin jaloux, personnes il est vrai peu nombreuses.

                Ceci dit, reste le problème : fêtons Noël soit, mais comment ? Une obligation essentielle et plusieurs options :

Obligation : la Bûche incontournable mais non pour des raisons confessionnelles : C’est juste traditionnel, comme la chasse à la glu d’espèces protégées et la fraude fiscale dès qu’on en a les moyens. La défense des traditions est une valeur fondamentale de toutes les cultures humaines un tant soit peu conservatrices, les cultures inhumaines ne sont pas concernées. Donc : bûche ! de nature et de consistance assez libre de droits mais devant respecter des standards précis. Oublions l’imitation d’écorce rugueuse et les nœuds artificiels, tombés dans l’obsolescence, mais des références claires persistent : les Sujets, petits nains avec outils forestiers, champignons, feuilles de houx vertes avec baies rouges, en plastique, en meringue, en céramique ou en comestibles hypercaloriques. Toute autre forme de dessert isolé est sévèrement proscrite et mérite une dénonciation aux services de lutte contre les séparatismes.

Les options facultatives, elles, sont plus ou moins cumulatives et gardent la valeur de marqueurs culturels essentiels.

Option 1 - le repas, qualifié de « réveillon » pour l’occasion. Là aussi plusieurs possibilités pour bien marquer l’importance :

                Possibilité 1 : pratiquer à une heure inhabituelle. Traditionnellement on allait à la messe de minuit avant, on a oublié le côté spirituel, on a gardé l’horaire. Le monde change mais certaines choses restent…

                Possibilité 2 : exagérer la qualité des aliments, se permettre des folies en se payant des choses improbables et tout à fait hors de prix pour faire honneur à la divinité bien sûr.

                Possibilité 3 : en ingérer des quantités déraisonnables parce que tant qu’à faire des stupidités autant les faire à fond c’est pas si souvent et merde au cholestérol.

                Possibilité 4 : noyer le tout dans l’éthanol sans oublier la possibilité 2 (champagnes de marque, vins extrêmement spiritueux) ni la possibilité 3 (tant pis pour la gueule de bois d’abord je tiens très bien l’alcool pas comme ces petits jeunes de maintenant pauvres gamin(e)s pas habitué(e )s à la dureté de la vie) avec modération bien sûr[3].

 

Option 2 : marquer l’événement en groupe, deux possibilités :

                Possibilité 1 : en famille. C’est une occasion de retrouver des gens qu’on ne voit pas si souvent, et c’est d’ailleurs l’opportunité de s’engueuler[4] avec certains en profitant de l’option1 possibilité 4. N’oublions pas que certains détestables jeunes ont pu devenir plus détestables dans l’autre sens en vieillissant. On appelle ça évoluer. C’est humain on n’est pas là pour juger. Enfin si, justement. Férocement même.

                Possibilité 2 : avec des ami(e )s avec qui on s’entend bien histoire de se mettre minable et se retrouver à chanter dans les rues des choses inorthodoxes, n’oublions pas l’option 1 possibilité 4, quitte à échanger des mots ( pour commencer) avec des représentants de l’ordre peu compréhensifs. Ils fêteront Noël plus tard à la caserne entre eux et feront la même chose on est bien tou(te)s pareil(le)s (sauf quelques un(e )s qu’ils (elles) crèvent ! )[5]

                Possibilité 3 : avec de parfaits inconnus, n’oublions pas la célèbre option 1 possibilité 4 qui au bout d’un certain temps ne sont plus du tout inconnus et on rejoint la possibilité 2 tous ensemble à hurler dans les rues – il est loin le petit Jésus.

 

Option 3 : les offrandes – Il est de bon ton de sacrifier à la divinité et si la divinité n’est pas clairement identifiée le mot de « sacrifice » reste d’actualité. Certes mais offrir quoi ? et surtout à qui ? sans oublier comment ? et là il ne s’agit plus de possibilités mais d’obligations fermes.

                Quoi offrir ? : des cadeaux adaptés aux récipiendaires : difficile et hasardeux, on ne se connaît pas toujours très bien soi-même alors les autres … Limitons le problème aux tarifs : Pallions la difficulté en exagérant la valeur monétaire, sans oublier qu’il existe des gens qu’on aime et pour lesquels la notion de dépense est inappropriée et des salopards utiles pour lesquels elle est un investissement. Restons pragmatique et donnons des chiffres :  à moins de 10% des revenus mensuels c’est de la pingrerie. Honneur aux pauvres qui n’hésitent pas à exploser ce plafond à leur corps défendant. Honneur aussi aux riches dont les misérables miettes seront reçues comme des rançons de rois. Tant pis donc pour les bourgeois qui sont les seuls à oser compter.

                               Au-delà des considérations fiduciaires : Quels genres de cadeaux seront éventuellement appréciés : des alcools rares[6] , des voitures de luxe aux plénipotentiaires étrangers si l’on est soi-même chef d’état quand les contribuables n’ont pas voix au chapitre, des jeux de construction et des armes aux garçons, des poupées et de l’électro-ménager aux filles[7], de la culture (livres précieux, tableaux de maître, vignettes inédites de joueurs de foot, baskettes signées) aux maîtres de maison peu importe leur niveau en esthétique.

                A qui offrir ? : on vient déjà de dégrossir la question, précisons simplement quelques impairs fâcheux qui ruinent une réputation. Exemple d’insulte : une Rolex à qui a plus de cinquante ans[8] . Absence de Rolex à un jeune loup de la finance. Une planche de surf avec une fausse signature. Un livre de cuisine non connecté sans tutos. Un fusil d’assaut démilitarisé. Un santon de Provence en plastique (la résine de polyuréthane reste acceptable). Une BD en noir et blanc d’un artiste pas connu. Une photo dédicacée de Greta Thunberg  à un politicard. Tout cadeau où on a oublié l’étiquette si le montant est scandaleusement faible. Etc etc.

 

                Comment offrir ? avec une discrétion mesurée, ne pas oublier de joindre une carte – les plus belles se vendent par lot de 1000 sur internet avec motifs en relief et dorure, c’est la classe. Emballez les boîtes nulles dans des papiers superluxe, multipliez les épaisseurs ; choisissez des packagings (tiens ? le correcteur orthographique laisse passer ! on est colonisés cochons d’anglais)  en bois ou carton assez épais[9]; utilisez des faveurs au kilomètre ; ajoutez des bidules en bois, en céramique, en métal – je ne sais plus comment ça s’appelle sûrement un anglicisme de plus mais ça se collectionne comme les fèves des galettes des rois[10]

                 

                Reste la question : Où se fournir ? Localement bien sûr sauf si on préfère l’aide humanitaire : enrichir un milliardaire pour le pourrir au point de lui faire honte pour qu’il renonce à Satan[11], à ses pompes et ses œuvres (Satan pas Noël, Matthieu 6,24) et gagne sa part d’éternité.



[1]              Attention aux majuscules surtout . L’Association pour la défense et le respect obséquieux desdites veille et pourchasse impitoyablement toute tentative d’émajusculation de la Langue Française.. Oups : L’Association Pour La Défense Et Le Respect Des Initiales Des Caractères, qui compte leur nombre dans les mots de passe .

 

[2]              C’est dans son épicerie que j’ai eu pour la première fois le vertige de l’infini en regardant les étiquettes de fromage où l’on voyait un gros type tenant d’un air extatique une boîte  de camembert où l’on voyait le même gros type ou alors un très ressemblant tenant la même chose sur laquelle on voyait etc etc. Pascal a eu la révélation de l’infini en observant le cosmos, comme quoi tout le monde n’est pas Pascal (le malheureux n’avait pas eu la chance de saisir le côté mystique du camembert, des boîtes toujours bien).

 

[3]              Non : pas avec modération avec des copain(e )s. Nom de Noël c’est pas si souvent !

 

[4]              Facile , on trouve dans les meilleures familles (et il y en a de moins bonnes) des fachos, gauchos, ploutocrates, écolos …  et tous on adore causer politique, histoire de remettre l’église au milieu du village à tous ces inconscients qu’il faut faire un peu évoluer.

 

[5]              C’est  pas un peu chiant ces histoires d’écriture inclusive ?

 

[6]              Attention : à réserver exclusivement aux non-buveurs qui les exposeront dans des vitrines avec reconnaissance sans abîmer leur santé.

 

 

[7]              Ou le contraire c’est quelquefois délicat. Repérer les jeunes filles folles de heavy-metal-punky-méchant avec des bijoux à tête de mort est un indice.

 

 

[8]              Comme disait ce gars-là : pas de Rolex à 50 ans tu as raté ta vie. C’est mon cas. Mais j’ai 75 ans : il m’en reste 25 pour en voler deux et rattraper le coup. Voler, oui. Parfaitement . Vous avez vu le prix ? Avec ma retraite ? On peut être vieux et quand même lucide !

 

 

[9]              On a souvent constaté que les enfants jouent souvent mieux avec les boîtes qu’avec le contenu, ce qui relativise tous nos propos sur la pertinence des cadeaux.

 

[10]            Moi j’en ai des boîtes en tous cas, avec les petits sujets folkloriques sur les bûches de Noël et les petites bougies d’anniversaire des enfants.

 

[11]            Satan sur Amazon https://www.amazon.fr/s?k=satan&hvadid=80195661678509&hvbmt=be&hvdev=c&hvqmt=e&tag=hydfrmsn-21&ref=pd_sl_854m16fawe_e

                ne pas confondre avec Satan Jean-Claude, sarl chauffage bois et charbon

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